Par un magnifique week-end d’automne, tu gravis une arête exposée. Le soleil réchauffe la paroi et fait briller la vallée de ses flamboyantes couleurs automnales. Autour de toi, des enthousiastes de la grimpe extatiques profitent de l’absence de moustiques pour s’envoyer plusieurs mètres de granit mordant. La lumière d’après-midi est superbe, c'est le pur bonheur. Le nirvana minéral.
Si seulement cette météo de feu pouvait s’étirer un peu, tu te dis. Mais non : très bientôt, la neige et le froid vont reléguer l'escalade de rocher aux oubliettes, jusqu’en avril. Six interminables mois!
Les plus accros iront gravir du calcaire loin de la maison, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Que faire, alors? Pas besoin de réfléchir longtemps avant que ne s’impose une évidence assez… évidente.
Grimper de la glace, bordel de merde!
Perso, ça m’a pris dix ans avant d’oser le piolet. Dix ans à ne jurer que par la roche. Je me disais : « Ça a l’air tellement prévisible, l’escalade de glace. Le seul défi, c’est de planter des piolets à peu près n’importe où, pis de monter. En plus, y doit faire frette que le calvaire! C’est pas pour moi. »
Ah, la belle naïveté…
Après quelques sorties en terrain intermédiaire avec un habitué, j’ai vite compris que le facteur « planter des piolets à peu près n’importe où » n’est pas toujours de tout repos. Pour ne pas se brûler en trois minutes, il faut trouver des positions soutenables.
Un véritable défi, quand le mur de glace purement vertical ne t’offre que très peu de ressauts sur lesquels déposer ton centre de gravité.
La première fois qu'il a essayé l'escalade de glace, Léopold Laliberté-Guy ne l’a pas trouvée facile. Le fondateur de l'école de montagne La Liberté Nord-Sud, à la Montagne d’Argent, répond à mes questions. Discussion à piolets rompus.
Ma première fois, c’était en pleine nuit, à Montréal. J’avais trouvé ça très dur. Je forçais trop. Je forçais mal. J’ai frappé le rocher avec les lames des piolets de mon ami. Il n’était vraiment pas content. (Rires) J’avais eu un gros rush d’adrénaline.
Au début, c’est possible de s’en sortir avec simplement de la force musculaire, malgré un manque de technique. En revanche, quand on pousse le niveau, la gestuelle ressemble beaucoup au rocher, surtout si on grimpe en mixte ou de la glace délicate. Le positionnement des crampons est semblable à celui des chaussons. Puis, les piolets offrent beaucoup de possibilités. Ça permet de tenir sur des réglettes où les doigts n’oseraient même pas s’aventurer.
Je ne suis pas d’accord. Il faut lire l’état de la glace. Si les deux piolets lâchent en même temps, on ne peut pas se fier seulement à ses pieds. Ça dépend aussi de l’épaisseur de la glace. Quand on monte en difficulté, les conditions varient beaucoup et ça devient de plus en plus engageant.
Tout à fait.
On a de longs hivers, peu de risques d’avalanche et un immense territoire.
La formation des cascades de glace dépend des conditions météo, mais de nouvelles coulées peuvent se former d’une année à l’autre. Il y a de la glace en milieu alpin, sur le bord du fleuve, le long des rivières et dans des carrières. Il y a des une-longueur techniques et des multi-pitch faciles. Les sites de glace sont plus nombreux que ceux de rocher, en fait.
Une personne qui grimpe de la roche a de bonnes chances d’être à l’aise en glace, surtout en moulinette. Certaines personnes, le jour de leur initiation, enchaînent des grades 4 et 5, voire des grades 6. Mais en escalade de tête (lead), l’engagement est beaucoup plus élevé. Les adeptes du trad y trouveront une belle continuité de leur pratique, avec l’engagement et la prise de risque que ça implique.
Selon votre niveau, un cours d’initiation peut valoir la peine. La technique d’assurage en moulinette reste la même, mais on va généralement utiliser des arbres pour le relais, surtout lorsque les ancrages sont recouverts de glace. Pour voir si tu aimes le sport, c’est une bonne idée d’investir 70$ dans une demi-journée d’initiation en escalade de glace, avant d’acheter pour 1500$ d’équipement.
Évidemment, ce n’est pas obligatoire de suivre une initiation, mais c’est beaucoup plus sécuritaire d’être encadré pour commencer. Il faut dire que les gens ont souvent de la difficulté avec la gestion du froid et le système multicouches. Le froid les rebute beaucoup. D’ailleurs, à mon avis, c’est ça le mythe principal : le fait que c’est plus désagréable quand il fait froid. À -5 ou -10 °C, dès que c’est ensoleillé, on est vraiment bien sur les falaises. C’est le cas même à -15, s’il n’y a pas de vent.
Assurément, et le club d’escalade La Liberté Nord-Sud est parfait pour ça. On se fait accompagner et on peut voir des premiers de cordée en action. Je recommande aux adeptes de roche qui veulent essayer la glace de se joindre au club pour une saison. Ça permet de connaître les sites.
À deux heures de route de Montréal, il y a une quarantaine de sites accessibles. Le plus près est au Parc Jean-Drapeau, sur l’île Sainte-Hélène. À la Montagne d’Argent, avec notre système d’englacement artificiel et notre cabane chauffée, on offre une expérience vraiment agréable. Le fait de pouvoir s’habiller et se préparer au chaud n’est pas à négliger.
Mon message principal, c’est qu’il ne faut surtout pas craindre le froid. On a toute une richesse au Québec. C’est un moyen extraordinaire de découvrir notre territoire et d’embrasser nos hivers. Les gens s’encabanent et voient parfois la saison froide comme un monstre et vont se cacher.
Mais l’hiver, c’est magnifique. C’est une immense richesse. Il faut en profiter, et l’escalade de glace est parfaite pour vivre des aventures hivernales.
À noter : l’assurance de la FQME couvre les membres lors de la pratique de l’escalade sur les sites affiliés à la FQME. Voici un résumé de la couverture.